Décadence de la France

Publié le par Franz

"Non, la France n'est pas en décadence." Qui n'a pas entendu les anti-déclins s'attaquer benoîtement aux pessimistes, dans un style très proche de la "positive attitude" de Lorry et de J-P Raffarin.

Quels étaient les arguments avancés ? Le plus souvent aucun ( "positive attitude" oblige), car comme chez les moines bouddhistes, c'est la répétition du mantra qui doit finir par changer l'attitude psychologique de l'individu chargé d'ondes négatives.

Certains argumentent cependant : les candidats à l'élection présidentielle le plus souvent, en indiquant que des changements structurels pourront modifier positivement la donne (ils appellent ça leur programme politique). On promet plus de chocolat ici, plus de justice sociale, moins de travail là ou le choix de ses heures de travail comme modèle d'autonomie.

On flatte ainsi la bête dans le bon sens du poil pour lui faire remuer la queue. Tel un animal le péquin moyen se complaît ainsi dans la satisfaction de ses affects. Quelques petites piqures de rappel pour éviter la chute brutale (sécurité sociale de plus en plus individuelle par exemple), mais pas trop sinon la bête se réveille (réforme des retraites ainsi pliée par le gouvernement Raffarin et Fillon). Dans la colère ou l'engouement, tout lui va bien au péquin, tant qu'il a le droit de s'indigner sur un sujet auquel il ne connaît rien ou d'adorer quelque chose qu'il ne connaît pas mieux . Les télévisions et les journalistes de la presse écrite l'ont bien compris, eux qui ont fait de cette démocratie d'opinion leur niche économique, eux qui servent de relais à la dictature la plus terrible et la moins palpable qui soit : celle de la masse. De ce point de vue là, la masse française n'est pas pire que la masse américaine ou européenne.

Ce qui nous distingue fondamentalement de nos semblables, c'est la croyance dans notre pouvoir démiurgique de "citoyen" et le fait que nos hommes politiques ont peur de leur masse et de l'usage qu'elle pourrait faire de ce pouvoir. Ceci est provoqué par notre histoire mais également par les institutions présidentielles de notre régime, qui donne à croire à la masse qu'elle peut gouverner selon sa volonté (et accessoirement par l'intermédiaire du président qui fait ce qu'on lui dit, pas vrai ?). Le danger est chez nous le mythe de la démocratie directe : maladie inoculée par le virus Rousseau ...

Aux USA, le pouvoir fédéral ne s'embarrasse pas des citoyens, les fondateurs de cet Etat ont laissé une sous-structure pour gérer les orientations particulières de chaque état, il appartient ainsi à chaque gouverneur de jouer le fusible entre l'opinion et la structure fédérale. Le président et son administration ont ainsi les mains libres pour agir indépendamment du peuple (entendez par là sans se préoccuper des affects de la masse).

La politique focalise chez nous toutes les attentions et tout le monde s'en félicite ! Connerie, en effet notre opinion n'est pas meilleure qu'une autre sur ce sujet, mais alors que les autres s'intéressent avant tout aux "people" et à l'entertainment, nous on préfère gouailler sur les propos souvent vides de sens de nos hommes politiques, qui eux sont dans la peur de nous déplaire, leur survie dépendant de notre humeur.

C'est cela la décadence française : une masse affolée par les impasses successives depuis la crise pétrolière qui telle une bête blessée et dans l'ignorance de ce qui pourrait la soigner cherche tout, absolument tout pour diminuer la douleur. Le changement de ses élites lui apparaît comme la meilleure solution (idéal de la démocratie directe salvatrice de Rousseau), ce qui provoque la peur dans la classe politique dont les actions se limitent à celles qui ne provoquent pas le réveil de la bête. Si De Gaulle pouvait tenir par sa personnalité une démocratie de type directe, aucun homme politique français n'a depuis pris les risques de faire de même, ce qui nous incite à remettre en cause la totalité des institutions dont ce pays s'est doté à cause du "général". La France perd ainsi du terrain faute de courage politique et sous l'influence de la surexposition médiatique de la vie politique française.

Ainsi, ceux qui vous disent que la France ne recule pas sont exactement ceux-là même dont la carrière dépend du bon vouloir des citoyens ...

Une solution : changer de pays ou changer les institutions de manière à les rendre moins directement dépendantes de son peuple malade.

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